La Survivance est un joli roman de Claudie Hunzinger, une femme artiste qui vit en montagne et exerce sa créativité en fabriquant des livres en foin ou en édifiant des bibliothèques en cendres par exemple. Elle a également écrit des pages d’herbe comme nous l’apprend l’éditeur sur la quatrième de couverture. L’aventure extrême vécue par ses personnages Jenny et Sils et racontée dans ce roman est donc en harmonie totale avec les expériences artistiques de l’auteure.
Jenny et Sils ont soixante ans lorsqu’ils se voient contraints de fermer leur librairie et de déménager. Avec Avanie leur ânesse et Betty, leur chienne, ils décident alors de retourner vivre dans une maison en ruines, perdue dans la montagne et de réussir, avec leur corps vieilli, là où ils ont échoué quarante ans auparavant : tenir tout l’hiver (au moins) dans le froid extrême et le dénuement le plus complet, avec pour seuls compagnons leurs livres et pour seule nourriture quelques sacs de riz et de fruits secs ainsi que les produits du potager que Jenny doit protéger des nuisibles. Dans le silence des bois, les cerfs tournent autour d’eux, bêtes paisibles et curieuses ou dangereuses créatures selon la saison - nous apprenons énormément sur le mode de vie des cerfs et sur la période du brame notamment.
Mes impressions concernant ce livre n’ont cessé d’évoluer tout au long de ma lecture. J’avoue avoir été déçue au premier abord car le style de l’auteure m’a surprise et je ne m’attendais pas à cette manière de traiter du thème de la Robinsonnade, tel que l’annonce la quatrième de couverture (il faudrait souvent ne pas les lire !). Et puis finalement, j’ai été conquise par l’histoire, par la relation tendrement complice de ce couple de sexagénaires, par leur amour inconditionnel des livres et leur soif intense de culture.
Sensation étonnante de voir vivre par l’imagination des personnages qui eux-mêmes ne vivent que d’art et de littérature tout en colmatant les brèches dans le toit pour dormir au sec (ce qui n’arrive pas souvent !) On ne sait plus ce qui est vraiment vital. Les deux sans doute malgré les conditions extrêmes et parfois dangereuses.
Tout en organisant la lutte au quotidien pour manger et se protéger du froid, la narratrice fait référence à des peintres, des auteurs dont je n’avais jamais entendu parler pour la plupart et cela m’a donné envie bien sûr de les découvrir, ou du moins de pouvoir les remettre en contexte, donc de me cultiver moi-même. C’est une grande qualité, un atout majeur pour un roman que de distraire tout en instruisant.
Voilà, ce roman est étonnant : d’abord emballée, prête à le dévorer, j’ai ensuite été déstabilisée et donc déçue un moment avant d’être séduite progressivement par l’atmosphère chaleureuse de « La Survivance » et le dynamisme communicatif de la narratrice derrière laquelle on imagine bien l’auteure elle-même. J’ai aimé le personnage de Sils, si touchant par sa fragilité. Et le dénouement, elliptique, est volontairement laissé en suspens, pour que l’issue que l’on devine pourtant connaisse une sorte de prolongement autonome une fois le livre refermé. La Survivance est de ces romans qui semblent continuer de vivre à l’insu du lecteur, poursuivant leur existence propre une fois rangés dans la bibliothèque. C’est ce que j’ai aimé dans ce livre. La liberté qui s’en dégage. L’espoir toujours lumineux. La foi en l’homme et en la vie aussi. Et la place centrale, universelle et atemporelle de l’art et de la littérature.
Je publie ce billet dans le cadre du Challenge 1% organisé par Herisson (Blog Delivrer des livres)
Belle lecture !