
Pour mon premier billet consacré à un coup de cœur, j’ai choisi de vous présenter Moka de Tatiana de Rosnay, un très beau roman, paru en poche début avril et que j’ai littéralement dévoré !
L’histoire
Un mercredi après-midi, en rentrant de son cours de musique, Malcolm Wright, 13 ans, est renversé sur un passage piéton, par une Mercédès de couleur moka. Plongé dans le coma, son pronostic vital est engagé. Alors que les parents bouleversés doivent faire face - chacun avec ses armes - à un quotidien désormais chaotique et pesant, la police débordée peine à retrouver le chauffard. Justine, la maman de Malcom, promet alors à son fils inconscient de retrouver le coupable, à n’importe quel prix …
Mes impressions
J’ai été captivée par l’histoire de cette famille franco-britannique, d’abord parce que, maman de trois enfants, je me suis sentie touchée par le sujet, ensuite grâce au talent de Tatiana de Rosnay qui évite intelligemment l’écueil du mélo et nous projette au cœur du drame avec une écriture à la fois fluide et dense. Le roman s’ouvre sur l’appel du SAMU. Justine, traductrice free-lance, est concentrée sur son travail lorsque sa vie bascule. Dés la première page, le lecteur est ainsi projeté au cœur de l’action comme Justine au cœur du drame. L’émotion est d’autant plus présente que c’est un drame banal, susceptible de toucher n’importe quelle famille et qui nous rappelle la fragilité de la vie face à un affreux concours de circonstances. Le processus d’identification opère donc sans délai et, par le choix judicieux d’une narration à la première personne, la voix maternelle, vibrante de sensibilité et de courage, accompagne le lecteur jusqu’au dénouement. Les réactions diverses des membres de la famille - Andrew, le père, Georgia, la petite sœur, les grands-parents maternels et paternels - n’échappent pas à l’acuité de son regard et nous sont présentées à travers le prisme de sa douleur et de sa colère. Dés lors, je n’ai pu refermer le livre avant de savoir.
SAVOIR, l’obsession de Justine, devient donc celle du lecteur. Quel monstre a pu renverser un enfant sur un passage piéton, un mercredi après-midi, prendre la fuite et poursuivre paisiblement sa vie ? Devant l’inertie des services de police, Justine décide de prendre les choses en main. « Petit Poucet désespéré égaré sur un chemin de larmes » (p.112), elle choisit l’action pour ne pas sombrer dans le désespoir et le récit prend très vite la forme d’un roman policier, ce qui devrait séduire les amateurs du genre. La résolution de l’enquête nous réserve ainsi bien des surprises …
Mais la force de ce roman, c’est aussi de proposer une analyse très fine de la différence avec laquelle hommes et femmes abordent les drames de la vie. Même s’il serait hasardeux de généraliser, je pense que les particularités de la psychologie masculine et de la psychologie féminine sont très bien cernées. Dans un roman poignant et criant de vérité, Tatiana de Rosnay rend un vibrant hommage aux mères, à leur courage, à leur force vitale presque animale tant elle est instinctive.
Extrait
J’ai choisi un passage qui m’a particulièrement touchée, pour vous donner un avant-goût de la très belle lecture qui vous attend :
"Pourquoi personne ne vous prévient, le matin, d’une horreur pareille ? Pourquoi ne se doute-t-on de rien, tandis qu’on se lave sous la douche, qu’on fait bouillir l’eau pour le Earl Grey, qu’on ouvre son courrier, qu’on lit ses mails ? Pourquoi ne reçoit-on pas de signe, pourquoi ne ressent-on rien de particulier, alors que le ciel va vous tomber sur la tête, alors que le téléphone va sonner, et qu’on va vous annoncer le pire ? Pourquoi, quand un enfant sort de vous, après l’effort, la douleur, et qu’on vous le pose sur le ventre, encore chaud, mouillé, on ne pense qu’au bonheur, à la joie, on ne pense pas aux drames à venir, à ces moments qui transpercent une vie ? Pourquoi est-on si mal préparé ? Mais comment pourrait-il en être autrement ? Fallait-il se répéter chaque matin en se brossant les dents : c’est peut-être aujourd’hui, ou ce sera demain ? Fallait-il se blinder, se dire qu’à tout moment on peut perdre un enfant, un parent, un mari, une sœur, un frère, une amie ? Être prêt ? Prêt au pire ? Mais comment vivre, alors ? » (Moka, Le Livre de poche, pp. 31-32)"