Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!
Mer était l'un des dix mots préférés de Camus (voir ses Carnets, rédigés entre 1935 et 1959). A la fin de L'Eté, que je suis en train de lire avec bonheur, se trouve "La mer au plus près", journal de bord d'un voyage sur l'Océan. Plus qu'un journal, il s'agit d'une sorte de long poème en prose dans lequel transparaît l'amour que Camus portait à cet élément, la "grande mer", "[sa] religion avec la nuit", celle qui "nous libère et nous tient debout", celle qui "viendrait [le] soutenir au-dessus de [lui-même] et [l']aider à mourir sans haine".
L'ensemble du recueil L'Eté est de cette veine : ce sont des essais aux accents lyriques dans lesquels Camus dépeint son Algérie natale. Et comme nous sommes dimanche et que je consacre ce jour à la poésie, comme j'ai aimé passionnément lire "La mer au plus près", je ne résiste pas à l'envie de partager deux extraits, qui ont résonné très fort en moi :
"La lune s'est levée. Elle illumine d'abord faiblement la surface des eaux, elle monte encore, elle écrit sur l'eau souple. Au zénith enfin, elle éclaire tout un couloir de mer, riche fleuve de lait qui, avec le mouvement du navire, descend vers nous, inépuisablement, dans l'Océan obscur. Voici la nuit tiède, la nuit fraîche que j'appelais dans les lumières bruyantes, l'alcool, le tumulte du désir.
Nous naviguons sur des espaces si vastes qu'il nous semble que nous n'en viendrons jamais à bout. Soleil et lune montent et descendent alternativement, au même fil de lumière et de nuit. Journées en mer, toutes semblables comme le bonheur..."
"Au juste milieu de l'Atlantique, nous plions sous les vents sauvages qui soufflent interminablement d'un pôle à l'autre. Chaque cri que nous poussons se perd, s'envole dans des espaces sans limites. Mais ce cri, porté jour après jour par les vents, abordera enfin à l'un des bouts aplatis de la terre et retentira longuement contre les parois glacées, jusqu'à ce qu'un homme, quelque part, perdu dans sa coquille de neige, l'entende et, content, veuille sourire."
Albert Camus, "La mer au plus près (Journal de bord)", 1953,
L'Eté, Gallimard, 1959
Au large d'Etel (Photo : Justine)
A l'écoute, un morceau de Rachmaninov, l'une de mes pièces favorites : Rhapsodie sur un thème de Paganini, variation n°18.
Bonne lecture !