Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!
Paul Valéry (1871-1945), grand admirateur de V. Hugo et de Baudelaire, découvre ensuite Verlaine et surtout Mallarmé à qui il envoie ses premiers poèmes. Par la suite, il deviendra son disciple le plus proche.
Poète, aussi bien que penseur et mathématicien (un tableau noir couvert de calculs et un squelette sont les seuls éléments de décoration de sa chambre), Paul Valéry consacre aussi beaucoup de temps à ses Cahiers : il y note ses réflexions alors qu'il est secrétaire d'un administrateur de l'agence Havas. En 1920, il publie des poèmes très appréciés et dont le succès sera confirmé par la parution de Cimetière marin et de Charmes. Il entre à l'Académie française en 1925 et il est nommé professeur de poétique au Collège de France, en 1937.
Paul Valéry recherche la perfection dans son travail de poète. Il aborde l'écriture poétique avec un esprit très cartésien, privilégiant le travail de la forme à l'inspiration, qui seule ne peut suffir. Un poème n'est donc jamais achevé en soi et lorsqu'il est publié, il est comme "abandonné" simplement à la curiosité du lecteur.
Son ambition est aussi celle de son maître Mallarmé, tous deux cherchant à atteindre à la "poésie pure" avec, pour Valéry, une oeuvre "où rien de ce qui est la prose n'apparaitraît plus."
Ainsi, la première version de "La Belle au bois dormant" paraît dans la revue La Conque en 1891. Paul Valéry considère ce texte comme un brouillon et en produira une réécriture définitive au moment de la constitution du recueil Album de vers anciens, en 1920. Pour ma part, paradoxalement, je plébiscite cette première version, dont j'aime la fraîcheur un peu naîve. Comme j'aimerais écrire de semblables brouillons !
Voici donc le premier poème et sa réécriture, lus par Gilles-Claude Theriault, que je remercie infiniment. Quelle belle voix ! (Edit du 9 octobre 2013).
La Belle au bois dormant
(première version)
La Princesse, dans un palais de roses pures
Sous les murmures et les feuilles, toujours dort.
Elle dit en rêvant des paroles obscures
Et les oiseaux perdus mordent ses bagues d'or.
Elle n'écoute ni les gouttes dans leurs chutes
Tinter, au fond des fleurs lointaines, lentement
Ni s'enfuir la douceur pastorale des flûtes
Dont la rumeur antique emplit le bois dormant.
... Ô belle ! suis en paix ta nonchalante idylle
Elle est si tendre l'ombre à ton sommeil tranquille
Qui baigne de parfums tes yeux ensevelis :
Et songe, bienheureuse, en tes paupières closes
Princesse pâle dont les rêves sont jolis
A l'éternel dormir sous les gestes des Roses !
Paul Valéry, "La Belle au bois dormant", La Conque, novembre 1891
Au bois dormant
(Réécriture définitive)
La princesse, dans un palais de rose pure,
Sous les murmures, sous la mobile ombre dort,
Et le corail ébauche une parole obscure
Quand les oiseaux perdus mordent ses bagues d'or.
Elle n'écoute ni les gouttes, dans leurs chutes,
Tinter d'un siècle vide au lointain le trésor,
Ni, sur la forêt vague, un vent fondu de flûtes
Déchirer la rumeur d'une phrase de cor.
Laisse, longue, l'écho rendormir la diane,
Ô toujours plus égale à la molle liane
Qui se balance et bat tes yeux ensevelis.
Si proche de ta joue et si lente la rose
Ne va pas dissiper ce délice de plis
Secrètement sensible au rayon qui s'y pose.
Paul Valéry, "Au bois dormant", Album de vers anciens, 1920
Gustave Doré, La Belle au bois dormant, illustration de 1867
Bon dimanche !
Heide