Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!
Tous les chemins vont vers la ville.
Du fond des brumes,
Avec tous ses étages en voyage
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
Comme d'un rêve, elle s'exhume.
Là-bas,
Ce sont des ponts musclés de fer,
Lancés, par bonds, à travers l'air ;
Ce sont des blocs et des colonnes
Que décorent Sphinx et Gorgonnes ;
Ce sont des tours sur des faubourgs ;
Ce sont des millions de toits
Dressant au ciel leurs angles droits ;
C'est la ville tentaculaire,
Debout,
Au bout des plaines et des domaines.
[...]
La rue - et ses remous comme des câbles
Noués autour des monuments -
Fuit et revient en longs enlacements ;
Et ses foules inextricables
Les mains folles, les pas fiévreux,
La haine aux yeux,
Happent des dents le temps qui les devance.
[...]
Telle, le jour - pourtant, lorsque les soirs
Sculptent le firmament, de leurs manteaux d'ébène,
La ville au loin s'étale et domine la plaine
Comme un nocturne et colossal espoir ;
Elle surgit : désir, splendeur, hantise ;
Sa clarté se projette en lueurs jusqu'aux cieux,
Son gaz myriadaire en buissons d'or s'attise,
Ses rails sont des chemins audacieux
Vers le bonheur fallacieux
Que la fortune et la force accompagnent ;
Ses murs se dessinent pareils à une armée
Et ce qui vient d'elle encor de brume et de fumée
Arrive en appels clairs vers les campagnes.
C'est la ville tentaculaire,
La pieuvre ardente et l'ossuaire
Et la carcasse solennelle.
Et les chemins d'ici s'en vont à l'infini
Vers elle.
Emile Verhaeren, Les Campagnes hallucinées, 1893
A l'écoute, La Valse d'Amélie de Yann Tiersen