Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!

Ecoutons un livre (1) : Daniel Pennac, Chagrin d'école

Ecoutonsunlivre

 

     Sur une proposition de Val aime les livres, je participe pour la première fois au challenge « Ecoutons un livre » avec Chagrin d’école de Daniel Pennac, un « essai narratif » selon les propres termes de l’auteur interviewé à la fin du disque audio.

Pennac_Chagrin-d-ecole_Gallimard.jpg

Le livre-papier a été publié chez Gallimard, en 2007. Il se trouvait dans ma PAL depuis sa sortie et j’en avais commencé la lecture sans l’achever, non par manque d’intérêt, bien au contraire, mais parce que je devais être dans une de mes périodes « butinage »…

Je précise que je rédige ce billet en jouant le jeu c’est-à-dire que je me fie uniquement à ma mémoire auditive et que je n’aurai donc pas recours au livre papier pour recopier des extraits, par exemple.

 

Pennac_Chagrin-d-ecole_Liredanslenoir.jpg

     Le livre audio a été enregistré, dans les studios de Radio France, par l’association « Lire dans le noir » et c’est Daniel Pennac lui-même qui s’est prêté à cette lecture à voix haute.  Quel régal ! 6h17 d’écoute exactement, toute une semaine de trajets quotidiens avec l’impression réjouissante d’avoir un passager de marque, un grand écrivain à mes côtés !

 

     Chagrin d’école  est donc un livre sur l’école et sur les cancres. Aucune arrière-pensée péjorative dans ce terme devenu obsolète. C’est celui qu’emploie Daniel Pennac quand il nous raconte les années d’échec scolaire du petit Pennacchionni, quand il évoque sa douleur, l’inquiétude de ses parents, le sentiment d’échec des professeurs. La souffrance de tous en somme. Un séjour de plusieurs heures dans une décharge publique de Djibouti est la seule explication rationnelle et psychologique, qui a pu être trouvée pour expliquer sa cancrerie, lui qui a grandi dans une famille cultivée et sans histoire, lui qui aimait tant la compagnie des livres par ailleurs.


     Certains passages sont à la fois drôles et émouvants : je pense en particulier au moment où il raconte la réaction de sa mère qui vient de regarder un reportage sur ce fils, devenu écrivain : « tu crois qu’il s’en sortira un jour ?», demande-t-elle à Bernard, le frère aîné de Daniel. C’est que l’inquiétude ne l’a jamais totalement quittée, comme toutes les mères de cancres.

Derrière l’humour, on entend bien la souffrance de l’enfant qui « n’Y comprend rien », qui « n’Y a jamais rien compris » et Daniel Pennac nous explique la nécessité absolue de découvrir ce que recouvre ce Y, source de tant de problèmes, de tant de blocages et d’échecs.

Quel professeur devait-il être ! De ceux qui marquent à vie tant ils sont passionnés par leur métier, tant ils ont à cœur de sauver de la noyade des élèves réputés définitivement irrécupérables. De ceux qui n’abandonnent jamais et retroussent leurs manches pour vider autant que possible ce cloaque infâme et insalubre qu’est la « poubelle de Djibouti », un lieu terrifiant et fantasmatique, devenu pour lui, en quelques sortes, le symbole de la désespérance des élèves abandonnés à leur échec.

Alors, Daniel Pennac raconte ses années de professorat, analyse le rôle des internats, donne des « trucs » pédagogiques passionnants et affirme que le seul remède à l’inculture est la fréquentation de la culture à très haute dose. Il était très exigeant avec ses élèves, allant jusqu’à leur demander d’apprendre par cœur de beaux textes de notre patrimoine et,  ces textes étant numérotés, d’être capables de réciter à n’importe quel moment de l’année, n’importe lequel de ces textes, appelé par son numéro, après en avoir donné le titre exact. Et il les invitait, à chaque heure de cours, à un plongeon dans la langue, la langue française qu’il adore, lui qui était profondément dysorthographique.


     A l’écoute, ce livre peut être divisé en trois grands moments – qui ne sont pas précisément les parties du livre-papier : la scolarité de Daniel Pennacchionni ; ses années d’enseignement, quand il est « devenu » - fierté discrète et pudeur touchante de son père qui ne commenta jamais ouvertement sa réussite, mais qui avait écrit sur l’enveloppe d’un courrier qu’il lui avait adressé au collège, « Daniel Pennacchionni, professeur » ; enfin l’école et son rôle dans la société contemporaine.


Dans ce troisième moment, il convoque « Maximilien » : c’est ainsi qu’il baptise tous les jeunes des cités auxquels il voue une tendresse particulière, sans qu’aucune mauvaise foi n’apparaisse dans son discours d’ailleurs. Celle qu’il accuse ouvertement, c’est « Grand-mère Marketing », qui ne tricote plus des chandails ou des tricots comme le faisaient les grands-mères d'antan, non, cette grand-mère-là, elle fait de Maximilien un enfant-client : elle le couvre de marques de la tête aux pieds et le transforme, à son insu, en panneau publicitaire ambulant.

Daniel Pennac compte cinq catégories d’enfants dans le monde, précisant que tous sont exploités. Son argumentation nous invite à la réflexion sur notre société de consommation et sur le mode de vie de cette génération d’enfants-clients. Le ton est grave, et j’ai ressenti une forte émotion en écoutant les dialogues entre l’auteur et les jeunes de cités qu’il est venu rencontrer dans leur lycée : « mais non, ce ne sont pas les profs qui te prennent la tête, elle est déjà prise ta tête, les profs essaient de te la rendre ! » C’était d’autant plus fort que la voix de l’écrivain lui-même portait le propos. Magie du livre audio !


Si je devais retenir un seul passage, une seule image de ce livre écouté, ce serait le dernier, la métaphore finale, dans laquelle il compare les élèves en échec, qu’il faut sortir du « coma scolaire » à ces hirondelles déviantes, qui volent en échappant à toute règle, comme prises de folie et viennent se fracasser contre les fenêtres de sa chambre,  chaque automne.


« Une hirondelle assommée est une hirondelle à ranimer, point final. »

 

On n'y parvient pas toujours, mais du moins aura-t-on essayé... C’est la dernière phrase du livre et elle en résume toute la philosophie.


Bonne écoute !


Heide

 

C'est mon premier article aussi pour le challenge de George.

 

challenge-daniel-pennac
Cliquez sur les deux logos pour lire d'autres contributions chez  Val aime les livres et chez George : vous pourrez lire sa chronique sur Le Roman d'Ernest et Celestine de Daniel Pennac, ICI.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
<br /> Je l'ai dans ma PAL et je compte le lire aussi bientôt, enfin j'espère ne pas trop tarder, mais il me fait un peu peur :D avec tout ce que j'ai lu sur ce livre... mais ma curiosité est aiguisée<br /> :)<br /> <br /> <br /> J'ai hâte de lire ce que tu en penses ;) bonne journée<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Moi je n'avais rien lu sur ce livre, je l'avais juste repéré en librairie et lorsque je l'ai vu en bibliothèque, en audio, je n'ai pas hésité. L'atmosphère est - comment dire ? - très<br /> oppressante... Et je n'en suis qu'à la première moitié du roman ! Un grand livre ! Bonne fin de semaine Laure.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Très bon article encore qui donne envie de lire ce livre (oui je n'en suis pas encore à l'audio). Je participe au challenge aussi de George donc y'a des chances :)<br /> <br /> <br /> bonne soirée ;)<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Merci pour le compliment Laure ! Pour moi, le livre audio, c'est tout nouveau. Il y a des avantages et des inconvénients comme pour tout : le principal inconvénient pour moi, c'est l'envie de<br /> relire le livre papier pour le contact visuel avec les mots, quand tu tombes sur un grand livre. C'est le cas en ce moment avec Sukkwan Island de David Vann, un livre audio que je<br /> présenterai le 16 février. <br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> j'ai rarement écouté des livres en voiture mais c'est une bonne idée en effet<br /> <br /> <br /> les entreitens d'auteurs par exemple c'est passionnant : Léautaud, Mauriac, Claudel, Queneau, Breton etc... Là aussi ils sont avec nous dans la voiture<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Je testerai les entretiens d'auteurs, bonne idée ! Pour les romans, il faut juste se concentrer au début pour bien repérer les personnages et comprendre la mise en place de l'intrigue. Or, ce<br /> n'est pas forcément facile quand on doit aussi se concentrer sur la route... Mais une fois que les voix sont repérées et qu'on est dans l'intrigue, c'est génial !<br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> Merci pour ta participation.En effet, lu par Pennac, ce doit être un régal. <br />
Répondre
H
<br /> <br /> Ah oui vraiment ! Ce furent des heures d'écoute très agréables. Merci à toi car je vais devenir une inconditionnelle du livre audio pour "lire" à tout moment. Et je viens de faire une très belle<br /> découverte dont je parlerai le 16 février.<br /> <br /> <br /> <br />