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Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!

Hommage à Barbara : 24 novembre 1997 - 24 novembre 2012

barbarapianonoirpoche.jpgIl était un piano noir est sous-titré « Mémoires interrompus » car Barbara, de son vrai nom Monique Andrée Serf, est décédée brutalement, « d’un choc toxique infectieux d’évolution foudroyante », le 24 novembre 1997, avant d’avoir achevé son autobiographie. Elle avait commencé à l’écrire au printemps de la même année. Sa sœur et ses deux frères ont alors hésité à publier ces fragments que Barbara aurait remaniés et corrigés de nombreuses fois avant de rendre le manuscrit définitif un an plus tard, à l’automne 1998. En prenant la décision de leur publication, ils ont voulu saluer le public auquel Barbara a consacré toute sa vie - une vie intense et mouvementée -, allant à sa rencontre tout au long de sa carrière.

 

Dans ce récit à l'écriture fluide et joyeuse, on apprend ce que fut cette vie de nomade et à quel point sa vocation de chanteuse était ancrée en elle. Elle se confie aussi, pour la première fois, sur son enfance et le crime dont elle fut victime.

C’est un récit intimiste et sensible que j’ai eu plaisir à lire à l’occasion de cet hommage.


Le préambule est le passage que je préfère.Le voici dans son intégralité :

 

Plus jamais je ne rentrerai sur scène.

Je ne chanterai jamais plus.

Plus jamais ces heures passées dans la loge à souligner l'œil et à dessiner les lèvres avec toute cette scintillance de poudre et de lumière, en s'obligeant avec le pinceau à la lenteur, la lenteur de se faire belle pour vous.

Plus jamais revêtir le strass, le pailleté du velours noir.

Plus jamais cette attente dans les coulisses, le cœur à se rompre.

Plus jamais le rideau qui s'ouvre, plus jamais le pied posé dans la lumière sur la note de cymbale éclatée.

Plus jamais descendre vers vous, venir à vous pour enfin nous retrouver.

Un soir de 1993, au Châtelet, mon cœur, trop lourd de tant d'émotion, a brusquement battu trop vite et trop fort, et, durant l'interminable espace de quelques secondes où personne, j'en suis sûre, ne s'est aperçu de rien, mon corps a refusé d'obéir à un cerveau qui, d'ailleurs, ne commandait plus rien.

J'ai gardé, rivée en moi, cette panique fulgurante pendant laquelle je suis restée figée, affolée, perdue.

J'ai dû interrompre le spectacle pendant quelque temps, puis définitivement.

Je suis quand même partie en tournée, deux mois après ; je raconterai ce que fut cette tournée, du premier jour au dernier soir.

Ensuite j'ai regagné Précy avec un manque immense, et, durant deux ans, j'ai fait le deuil d'une partie de ma vie qui venait brusquement de se terminer.

Ecrire, aujourd'hui, est un moyen de continuer le dialogue.

Pourquoi ai-je accepté, pour la première fois, de parler d'un avant ? Parce que je suis la seule à pouvoir le faire ! Je vais donc essayer, même si le temps déforme les images qui deviennent floues ou, au contraire, trop précises, trop joyeusement ou douloureusement exactes.

J'ai beaucoup de travail qui m'attend, mais c'est un travail que j'aime, je ne vais pas m'en plaindre.

Il est six heures du matin, j'ai soixante-sept ans, j'adore ma maison, je vais bien. De la pièce où j'écris, je vois le jardin : les premières roses sont apparues et la glycine blanche dégouline dans le patio.

Toute une vie souterraine prend ses racines, là-bas, dans les eaux dormantes qui exhalent d'âcres senteurs de soufre.

J'ai appris à connaître tous les menus bruits, les différentes senteurs de la terre à chaque heure du jour. Seule une lumière féline, mouvante, me surprend parfois. Tout mon sang bat au rythme profond qui monte du sol. Une si grande paix se dégage de cet endroit qu'il me paraît souvent injuste et douloureux que l'univers entier ne la partage pas. Une paix intérieure que me procure le fait d'avoir pu m'octroyer pour le reste de mes jours ce "tout petit morceau de France", comme on dit.

 

Précy, 27 avril 1997

 

Barbara, Il était un piano noir, 1998, édition posthume 

 

Belle lecture !

A l'écoute, La Dame brune, un très émouvant duo Georges Moustaki - Barbara

   

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C
<br /> Ma chanson préférée est Dis quand reviendras-tu ?<br /> <br /> <br /> Bon weekend.<br />
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H
<br /> <br /> Tu as raison, elle est magnifique et Barbara en raconte la génèse dans Il était un piano noir.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> J'aimerais bien lire ce livre, même si je ne suis pas fan de biographie.<br />
Répondre
H
<br /> <br /> L'autobiographie de Barbara se lit vite et c'est agréable de retrouver sa finesse et sa liberté de ton et d'esprit. <br /> <br /> <br /> <br />