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Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!

La vie, la poésie (5) : Christian Bobin, l'attente lumineuse

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Gustav Klimt, L'Arbre de vie, cycle d'or, 1905-1909


          On voit l'amour et la solitude : une seule chambre à vrai dire, un seul mot. De la solitude, nous ne viendrons pas plus à bout que de notre mort. C'est ce qui fait que l'on aime et que le temps se passe ainsi, dans l'attente lumineuse de ceux que l'on aime : car même quand ils sont là, on les espère encore. On touche leurs épaules, on lit dans leurs yeux, et la solitude n'est pas levée pour autant. Elle gagne en beauté, elle gagne en force, mais elle est toujours là. Ce qui a commencé avec nous - avec l'étoile de notre naissance - n'en finira jamais de nous isoler dans l'espace : chacun séparé de tous les autres. Chacun enclos dans son désir, dans son attente. Nous sommes seuls dans le jour. Nous avons besoin de quelqu'un qui nous conduise dans la pleine nuit du jour, comme on mène un enfant jusqu'aux rives étincelantes du sommeil. Nous sommes seuls dans le jour, mais nous serions incapables de découvrir cette solitude si quelqu'un ne nous en faisait l'offrande amoureuse. La révélant en pensant l'abolir. L'aggravant, en croyant la combler. Cette solitude est le plus beau présent que l'on puisse nous faire. Elle brûle dans le jour. Elle s'illumine de nos absences.

 

Christian Bobin, Lettres d'or, Fata Morgana, 1987

 

 

           Christian Bobin, un poète ? Il faut lire Souveraineté du vide et Lettres d'or pour saisir la pleine mesure de ses talents poétiques. Mais j'aime profondément tous ses textes pour leur étrange beauté, leur spiritualité, source d'apaisement ... Ils nous rappellent que vivre pleinement, c'est prendre le temps de la lenteur et de la méditation ...

S'absenter du monde et de soi-même pour y revenir plus fort, pour exister pleinement et être dans une présence aux autres plus lumineuse, plus vraie, plus belle. Apprivoiser le silence, "le pur silence, l'aliment naturel de l'âme autant que l'eau pour le nageur d'au-delà de l'horizon". Ne pas craindre "l'avancée en solitude", mais l'habiter pleinement car elle "ouvre la seule voie d'accès aux autres, à cette altérité qui est en nous et qui est dans les autres comme l'ombre portée d'un astre, solaire, bienveillant" (Souveraineté du vide). Saisir l'instant ... Nous tendons tous vers cet "'instinct du temps" grâce auquel nous serons capables d'entendre, dans un fragment de silence, le bruissement de toute vie, de tout amour ...

Les textes de Christian Bobin sont des méditations poétiques :  la douceur des images invite au lâcher-prise. C'est une écriture nourricière et vivante, une écriture qui respire ... Célébration de l'attente, "sans impatience de sa fin".

 

Heide

 

Liszt, Liebsträume,
n° 3 en La bémol majeur
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