Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!
Pour ce rendez-vous des Lundis philo consacré ce mois-ci à l’art, j’avais prévu de partir d’un extrait de Ma Vie et la psychanalyse de Freud, mais finalement, j’ai choisi de vous proposer un texte de Soseki Natsume, extrait de Oreiller d’herbes, sa 4e œuvre, publiée en 1906.
Qui est Soseki Natsume ? Romancier et nouvelliste, né en 1867 et mort en 1916, à Tokyo, son œuvre traduit l’entrée du Japon dans une ère nouvelle, l’ère Meiji une période historique du Japon qui s’étend de 1868 à 1912 et marque le début de la modernisation du pays. Il est aussi l’auteur de nombreux essais et de plus de 2500 haïkus (Source : Babelio).
Ce texte nous invite à réfléchir sur le désintéressement inhérent à l’art véritable, ce détachement des choses matérielles qui élève par essence l'œuvre d’art et lui confère une beauté pure, abstraite, bien au-delà des considérations d’ordre purement esthétique.
Implicitement, il pose aussi la question de l’identité de l’artiste et de la reconnaissance publique, une problématique sur laquelle il y aurait beaucoup à dire aujourd'hui, à l'ère de l'audimat et de la rentabilité à tout prix. Soseki Natsume nous rappelle les enjeux si essentiels de l'art et comment les poètes, les peintres, les écrivains, en nous invitant à poser comme eux un regard direct sur le monde, peuvent nous aider à mieux vivre. Ayons un coeur d'artiste à défaut d'en avoir le talent !
Personnellement, je trouve ce texte très beau, très poétique : l’écriture de Soseki Natsume illustre à merveille son propos lorsqu'il évoque le regard de l'artiste.
Et je vous avoue que cette découverte me ravit car je me suis promis de découvrir la littérature japonaise en 2013. Alors, je prévois de lire, dans l’année, un ouvrage de cet auteur, tellement fondamental au Japon que des billets de banque furent imprimés à son effigie !
Puisqu’il est difficile de vivre dans ce monde que l’on ne peut quitter, il faut le rendre un tant soit peu confortable, afin que la vie éphémère y soit vivable, ne fût-ce qu’en ce laps de temps éphémère. C’est alors que se déclare la vocation du poète, c’est alors que se révèle la mission du peintre. Tout artiste est précieux car il apaise le monde humain et enrichit le cœur des hommes.
Ce qui débarrasse de tout ennui ce monde, où il est difficile de vivre et projette sous vos yeux un monde de grâce, c’est la poésie, c’est la peinture. Ou encore, c’est la musique et la sculpture. Pour être exact, il ne s’agit pas de projeter le monde. Il suffit d’y poser son regard directement, c’est là que naît la poésie et c’est là que le chant s’élève. Même si l’idée n’est pas couchée par écrit, le son du cristal résonne dans le cœur. Même si la peinture n’est pas étalée sur la toile, l’éclat des couleurs se reflète dans le regard intérieur. Il suffit de contempler le monde où l’on vit, et de contenir, avec pureté et clarté, dans l’appareil photographique de l’esprit, le monde d’ici-bas, futile et chaotique. C’est pourquoi un poète anonyme qui n’a pas écrit un seul vers, un peintre obscur qui n’a pas peint une seule toile, sont plus heureux qu’un millionnaire, qu’un prince, que toutes les célébrités du monde trivial, car les premiers savent observer la vie, peuvent s’abstraire de toute préoccupation, sont en mesure d’entrer dans le monde de la pureté, de construire l’univers unique et de balayer les contraintes de l’égoïsme.
Soseki Natsume, Oreiller d’herbes, 1906 (trad. R. de Ceccatty, Rivages, 1987)
N'hésitez pas à partager vos impressions sur ce texte.
J'attends aussi vos suggestions pour le prochain rendez-vous mensuel des Lundis philo, le lundi 4 février : quels thèmes vous intéressent ? Quels auteurs ? Le temps ? J'avais pensé aussi à "La philosophie sort de la bouche des enfants". Qu'en dites-vous ?
Belles lectures et bon voyage philosophiques !
Heide
EDIT DE LUNDI SOIR :
Je vous invite à lire les articles de Catherine sur Platon, Denis sur Kandinsky et Lee Rony sur l'interprétation, la distorsion des sens et la beauté artistique.
Le mois prochain, sur une idée de Denis, le thème sera Freud et la psychanalyse. Alors rendez-vous le lundi 4 février !