Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!
Edition de poche : J'ai Lu (799 pages)
L’essai de Michel Onfray s’ouvre sur une citation de Nietzsche que Camus a beaucoup lu dans sa jeunesse :
« J’estime un philosophe dans la mesure où il peut donner un exemple. »
(Considérations intempestives, III, 3)
Voilà qui permet d’introduire le grand projet de Michel Onfray dans ce livre : « mettre fin à la légende créée par Sartre, celle d’un Camus « philosophe pour classes terminales », d’un homme de gauche tiède, d’un penseur des petits Blancs pendant la guerre d’Algérie » (Quatrième de couverture) De ce point de vue, l’objectif est atteint : « Camus sait qu’on ne connaît pas le monde, mais qu’on l’expérimente », nous dit l’auteur et il le démontre avec cœur dans cet essai-fleuve. Mais à vrai dire, je n’avais guère besoin d’être convaincue. Michel Onfray en fait un peu trop sans doute.
L'ouvrage comporte deux grandes parties :
I. Le royaume méditerranéen.
II. L'exil européen.
A partir de la deuxième partie surtout, il y a un peu trop de politique, un peu trop d’histoire de la philosophie, un peu trop de tout en fait. On en apprend beaucoup sur Proudhon, par exemple et sur quantité d’autres penseurs, écrivains ou hommes politiques mais au final, j'ai regretté qu'il n'y ait pas de mise en lumière des écrits de Camus seulement : sa pensée limpide, ses écrits contestataires ou poétiques se suffisent à eux-mêmes. Les pages les plus intéressantes de l’essai sont celles que Michel Onfray consacre à l’enfance, puis au théâtre, espace de militantisme et de fraternité, "le plus haut et le plus universel des genres" selon Camus. Concernant l’enfance, Onfray explique dans quelle mesure « Albert n’était pas sociologiquement préparé pour devenir Camus. » (56) Camus n'a jamais oublié d'où il venait et c'est au peuple qu'il s'adresse dans ses oeuvres, non à l'élite des cercles parisiens. C'est pour les gens de peu qu'il a voulu avec ferveur une démocratisation de la culture, car il savait à quel point le savoir est l'instrument d'émancipation par excellence.
L’analyse de Caligula est également passionnante : cette pièce, publiée en mai 1944, est le premier texte libertaire de Camus. On trouvera également une réflexion très riche sur le roman La Peste, publié en juin 1947, son deuxième texte libertaire. Michel Onfray explique que le portrait du tyran Caligula doit être lu en relation avec ce roman qui fonctionne comme une allégorie de tous les totalitarismes. « La Peste est le roman de ceux qui ne s’empêchent pas – autrement dit le roman de ceux qui ne sont pas des hommes parce qu’ils tuent d’autres hommes – des hommes compagnons des rats, sinon des rats eux-mêmes. » (M. Onfray, page 318) Camus montre par la fiction les conséquences du mal qu’entrevoyait déjà son père, mort au combat lors du premier conflit mondial, en affirmant
« un homme, ça s’empêche ».
Personnellement, je trouve cette phrase extrêmement parlante et juste, bien plus que tout ce délayage politico-philosophique qui ressemble à un égarement et qui finit par lasser, notamment lorsque Michel Onfray expose sa théorie sur l’opposition entre la philosophie apollinienne, bourgeoise de Sartre - diabolisé à l’extrême d’ailleurs – et la philosophie dionysienne de Nietzsche et de Camus. Derrière la sentence du père, se mêlent la négativité de l’homme et sa part de lumière. Rien n’est définitif et la pensée de Camus lui-même n’est pas manichéenne. Sa philosophie consiste à dire oui au pôle positif et non au pôle négatif, un combat à l’œuvre dans chaque homme.
L’entreprise de Michel Onfray, qui retrace le parcours de Camus en tant qu’ « intellectuel de la gauche libertaire », est louable et l’érudition de son analyse force le respect. La première partie est vraiment passionnante, mais très vite, l’impression de redondance est trop forte pour que le plaisir de la lecture soit complet. Le livre a fini par me tomber des mains et je dois avouer que je n’ai pas lu les 200 dernières pages (sur 729 tout de même !) J’espère ne rien avoir manqué d’incontournable ! Finalement, je me dis que l’essentiel est de lire et relire Camus : L’Etranger, La Peste, Caligula, Les Justes… des œuvres littéraires et philosophiques majeures, plus éclairantes que les théories et les concepts, comme le souligne à juste titre M. Onfray.
Merci à tous d’avoir participé à ce rendez-vous mensuel malgré ma « désertion ». Vos messages chaleureux m’ont beaucoup touchée… Merci encore !
Voici les liens vers les contributions de Coccinelle (alias Catherine), Denis, Lee Rony.
Rendez-vous le lundi 5 août sur la thématique du temps.
En septembre, nous parlerons de Jankélévitch.
En octobre, je vous propose de découvrir Jung et ses fameux archétypes - L'Âme et la vie par exemple - ou de lire Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estès, qui propose aux femmes d'apprendre à vivre en harmonie avec leur nature profonde, à partir d'une analyse de contes traditionnels. Psychothérapeute américaine, "elle a été directrice de l'Institut C.G. Jung de Denver, et est à l'origine de la création du concept de femme sauvage, un des archétypes féminins." (Source : Wikipedia)
En novembre, pour fêter l’anniversaire des lundis philo, à vous de choisir votre thème !
En attendant, bonnes lectures et bons voyages philosophiques !
Heide