Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!
J’ai lu Purge dans l’édition La Cosmopolite chez Stock, suite au Prix des lecteurs du Livre de poche que ce roman a reçu tout récemment. Mais Sofi Oksanen, née en 1977 en Finlande, d’un père finlandais et d’une mère estonienne, n’en était pas à son premier prix : Purge a remporté le Prix Femina étranger en France après avoir obtenu tous les prix littéraires dans le Nord de l’Europe où il est désormais un best-seller.
L’histoire commence au fin fond d’une campagne estonienne, en 1992. Une jeune femme inconnue, « boueuse, loqueteuse et malpropre » surgit dans le jardin et la vie de la vieille Aliide Truu. Méfiante, celle-ci pense d’abord que la fille, prénommée Zara, est un appât, un piège tendu par des pilleurs. Mais son état physique pitoyable et sa détresse morale pousse Aliide à lui ouvrir sa porte. Qui est Zara ? D’où vient-elle pour avoir tant souffert ? Quel lourd secret lie les deux femmes ?
Le lecteur est guidé grâce à une narration puissante et une construction admirablement maîtrisée entre le passé et le présent, qui vont progressivement s’éclairer mutuellement jusqu’à se télescoper littéralement dans le dénouement. Car ni la rencontre des deux femmes ni le choix final d’Aliide ne sont dus au hasard. Tout s’explique par ce que chacune a vécu : quarante ans plus tôt, lors de l’Occupation soviétique, quand Aliide aimait Hans, un résistant qui lui ne l’aimait pas ou tout récemment pour Zara dont le rêve de devenir médecin a été brisé par des hommes mafieux, qui l’ont tenue captive et l’ont prostituée. Il y a des scènes très dures dans ce roman et parfois, c’est justement parce que rien n’est décrit, que l’horreur est la plus palpable. L’écriture somptueuse, elliptique donc, aide à dépasser la violence de ces passages et porte l’histoire jusqu’à son dénouement, en soulevant des questions à la portée universelle, par exemple sur la Résistance et la trahison des autres ou de soi-même, les non-dits, la captivité ou la torture, sur le pouvoir et son exercice par la force physique ou la force mentale.
« Si vous ne devez lire qu’un seul livre cette année, lisez Purge. » Elle (Danemark)
Je n’irai peut-être pas jusque là pour ma part car je pense que d’autres joyaux m’attendent, mais je suis tout à fait d’accord avec la critique de Nancy Huston :
« Un vrai chef-d’œuvre. Une merveille.
J’espère que tous les lecteurs du monde, les vrais, liront Purge. »
C’est un chef-d’œuvre contemporain d’abord parce que c’est un roman très bien écrit, exigeant car très littéraire, tout en étant accessible grâce à la fluidité de son style. Mais surtout, derrière la fable qui prend appui sur l’Histoire (une chronologie des événements et une carte sont proposées en appendice), la réflexion philosophique sur les valeurs humaines bafouées, dans l’illégalité la plus totale ou avec quelque légitimité, peut se déployer avec force.
C’était un grand moment de lecture et les destins imbriqués de Zara et d'Aliide me hanteront longtemps.
Bonne lecture !
Sofi Oksanen (photo : crlbn.fr)