Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!
Editions du Seuil (9 mars 2005)
Collection : Points
Roman 147 pages
Tahar Ben Jelloun, né à Fès en 1944, est l’écrivain marocain francophone le plus traduit dans le monde. Il a obtenu le Prix Goncourt en 1987 pour La Nuit sacrée. Il y a quelques années, j’ai lu Le premier amour est toujours le dernier, un recueil de nouvelles qui « raconte le déséquilibre entre l’homme et la femme arabes » dans des histoires « qui ne parlent que d’amour, c’est-à-dire de solitude, de secret et d’incompréhension », « dans un pays où la tradition et la religion aident surtout l’homme à asseoir sa petite puissance […] » (Tahar Ben Jelloun). J’avais beaucoup aimé ces nouvelles et je souhaitais depuis longtemps revenir vers cet auteur contemporain qui vient de publier Le Bonheur conjugal chez Gallimard (août 2012).
A l’âge de 15 ans, Ali rencontre Mamed, lycéen comme lui au lycée français de Tanger. On suit la jeunesse des deux garçons, leurs découvertes d’adolescents : ensemble, ils vont connaître leurs premiers émois sexuels, dans une ambiance très libre. Leur amitié est alors fusionnelle. Quelques années plus tard, ils seront emprisonnés ensemble également, à cause de leur engagement politique. Mais avant cela, le début des études supérieures les sépare une première fois : Mamed rejoint Nancy pour ses études de médecine alors qu’Ali se rend au Canada suivre des études de cinéma. Les deux amis s’écrivent et, durant l’été, ils se retrouvent sur la plage de Tanger-ville.
Eté 66 … A son retour de France, Mamed est arrêté pour « atteinte à la sureté de l’Etat ». Lorsque, de retour du Canada, Ali est incarcéré lui aussi, il retrouve son ami qui a été torturé. A ce moment-là, « les arrestations d’étudiants ayant des activités ou simplement des opinions politiques de gauche se multipliaient » (31). Ali trouve Mamed différent : « Je découvrais à quel point l’endoctrinement idéologique pouvait aveugler un esprit aussi intelligent. » (26) Mais leur amitié est profonde et elle sera scellée à tout jamais par « ses dix-neuf mois d’incarcération déguisée en service militaire. » (35) au cours desquels les deux amis sont « devenus sérieux. » (35) Par la suite, Mamed, désormais médecin, émigre en Suisse et Ali s’occupe des affaires de son ami au Maroc. Tous deux sont mariés, mais Ali et son épouse ne parviennent pas à avoir d’enfants. Ils adoptent, mais clandestinement car l’adoption pose problème au Maroc.
Ainsi, la première partie du roman raconte la genèse de leur amitié afin que le lecteur puisse comprendre comment leurs liens sont devenus si puissants et comment, des années plus tard, un événement survenu dans la vie de Mamed fera tout vaciller…
Tahar Ben Jelloun signe une histoire d’amitié aussi intense que troublante. Que serions-nous capable de faire pour notre meilleur ami ? C’est la question que pose ce roman construit en quatre parties, selon trois points de vue différents, celui d’Ali et celui de Mamed, amis inséparables depuis trente ans ; celui de Ramon, un ami commun, qui entretient des relations fraternelles, mais plus superficielles avec chacun d’entre eux. Sans jamais porter de jugement, il sera le témoin de ce qui va se jouer entre Ali et Mamed, suite à la décision pour le moins surprenante de ce dernier.
La critique de LIRE, reproduite sur la quatrième de couverture, est très élogieuse : « Un roman extraordinaire, pudique et déchirant. Un roman où le sentiment exclut la sentimentalité. »
Quant à moi, j’ai aimé Le dernier ami pour ses qualités littéraires et pour la construction intéressante autour de l’alternance des points de vue. Cependant, j’ai trouvé que celle-ci occasionnait quelques redondances qui cassaient le rythme. Du coup, l’intérêt que j’avais porté à l’intrigue au début du roman avait faibli au moment crucial du dénouement, un moment qui reste fort, indéniablement, grâce au coup de théâtre où tout est révélé. C’est dommage, mais cela reste un bon roman, lu dans le cadre du rendez-vous de Denis, Littérature francophone d’ailleurs.
Belle lecture !
Heide