Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un tour d'horizon de mes lectures, contemporaines ou classiques. De la poésie, juste pour le plaisir des mots ... De la littérature de jeunesse, au fur et à mesure de mes découvertes. Un peu de cinéma et de la BD de temps à autre ... Bienvenue ... à fleur de mots!

Yasmina Khadra, L'Equation africaine

 

      http://storage.canalblog.com/49/60/161675/70503493.jpg      L'histoire  

 

        Le roman s'ouvre à Frankfurt sur "un terrible drame familial". Alors qu'il n'est plus que l'ombre de lui-même, Kurt Krausmann embarque son désespoir et sa vie désormais en miettes sur le voilier de son ami Hans Makkenroth, direction les Comores où Hans a le projet d'"équiper un hôpital au profit d'une organisation caritative dont il [est] membre". Attaqués par des pirates au large de la Somalie, les deux hommes sont pris en otage. Commence alors pour eux une longue descente aux enfers, dans "un monde de soif et d'insolation "...


            Mes impressions


           L'Equation africaine est un roman entêtant, d'abord parce que, comme toujours, Yasmina Khadra est un virtuose lorsqu'il s'agit d'immerger son lecteur dans une situation de crise. J'ai noté un passage qui m'a fait penser immédiatement au chapitre 1 du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, avec sa structure close, en forme de cercueil - "Quatre jours !" comme un écho à "Condamné à mort !"- Mais, singulièrement, l'écriture métaphorique de Yasmina Khadra confère une forme de douceur à ce récit d'un voyage ultraviolent, sans doute parce qu'elle sublime les émotions du narrateur.  Kurt subit un destin qu'il n'a pas choisi, à deux reprises, dans des mondes opposés qui évoluent en parallèle et dont les imbrications politiques sont réelles. ll en oublie sa vocation de médecin tant il est sous le choc des deux tragédies qu'il a subies malgré lui. Et nous avons le point de vue d'un homme meurtri, révolté jusqu'à l'inconscience - lorsqu'il brave ses geoliers ou lorsqu'il s'enfuit dans le désert, fort de sa détermination et de sa colère, marchant droit devant lui, sous un soleil de plomb qui finira par écraser son corps meurtri par les blessures et la dénutrition ... De ce fait, dans les deux premières parties du roman, les descriptions de l'Afrique sont particulièrement péjoratives : les mots, durs et secs comme le désert, dessinent l'incompréhension et la peur, nées d'une situation jugée parfaitement injuste et arbitraire. Kurt n'en saisit pas la logique et estime, à juste titre, que seul le hasard en commandera l'issue.

       Séparé de son ami Hans, qui sera l'objet d'une transaction, Kurt poursuit son périple avec un nouveau compagnon d'infortune, Bruno. Prisonnier depuis de longs mois, ce français qui se dit africain, contribuera à faire évoluer le point de vue du narrateur-médecin, notamment en ouvrant sa conscience à la réalité africaine où tous les hommes sont frères et où rien n'est plus sacré que la vie. Ainsi,  la sauvagerie des pirates n'efface pas l'Africain, "un être splendide" car "son coeur est son royaume". Le roman propose ainsi, à travers le parcours des deux hommes, mais aussi par l'ambivalence de personnages comme le pirate Joma Baba-Sy et son "disciple" Chaolo dit Black Moon, une analyse des différences fondamentales entre la culture africaine et la culture occidentale, tout en soulignant que ce sont sans doute nos excès qui entraînent le continent africain vers sa propre perte.


             Florilège


       "Ce qui me dérange, chez mes ravisseurs, ce n'est ni leur désinvolture décatie ni la clochardisation à laquelle les voue leur statut de horde sauvage ; il y a dans leur façon d'exister au jour le jour une absence de conscience manifeste qui rend leur dangerosité aussi naturelle que la morsure d'un serpent, et rien qu'à les sentir autour de moi, je me sens naître et mourir dans un purgatoire où il n'est pas nécessaire d'avoir fauté puisque le seul fait d'y échouer constitue un crime." (page 112)

        "Lorsque le soleil a disparu, l'obscurité se jette sur les ombres comme un prédateur sur sa proie, et une nuit sénescente, sans romance ni attraits, complètement usée par les âges, s'apprête à faire du désert son tombeau." (page 114)

        "Devant nous la file de rescapés se traîne comme elle peut, un balluchon sur la tête, un bébé sur le dos me livrant en vrac la hideur d'un monde dont je ne mesurais guère l'infamie et auquel, à aucun moment de ma vie, je ne m'étais préparé. Un monde où les dieux sans miséricorde n'ont plus de peau aux doigts à force de s'en laver les mains. Un monde sisyphin livré à la lâcheté des hommes et aux ravages des épidémies, avec ses supplices, ses escalades et ses guets-apens, et ses contingents de morts-vivants nomadisant à travers mille tourments, l'espoir crucifié sur le front et l'échine croulante sous le poids d'une malédiction qui ne décline ni ses codes ni son nom." (page 208)

       "C'est un être splendide, l'Africain. Qu'il soit assis sur le seuil de sa case, ou sous un caroubier, ou sur la berge d'une rivière infestée de crocodiles, il est d'abord en lui. Son coeur est son royaume. Personne au monde ne sait mieux que lui partager et pardonner. Si je devais mettre un visage sur la générosité, ce serait le visage d'un africain. Si je devais mettre un éclat sur la fraternité, il aurait celui d'un rire afriacain." (Bruno à Kurt, page 219)

Le site officiel de Yasmina Khadra.


Bonne lecture !
Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
De Khadra, je n'ai lu que "L'Attentat"... sans l'avoir aimé. Du coup, j'hésite vraiment à poursuivre la découverte de l'auteur !
Répondre
H
<br /> <br /> Si tu n'aimes pas le style de Khadra, je comprends ton hésitation à poursuivre. La lecture doit rester un plaisir avant tout et il y a tellement d'auteurs à découvrir ! Pour ma part,<br /> L'Attentat fut un de mes coups de coeur 2009. A bientôt Neph ! <br /> <br /> <br /> <br />
S
très tentant ! Je note ce titre
Répondre
H
<br /> <br /> Je crois que tu aimes Victor Hugo ... Alors tu devrais apprécier, tout particulièrement, le passage dont je parle. <br /> <br /> <br /> <br />