J’ai lu ce roman, chaleureusement recommandé par ma libraire, durant un après-midi de sieste intensive (que je n’ai pas faite, du coup, tellement j’étais absorbée par ma lecture …) Je connaissais l’univers de Delphine de Vigan, pour avoir lu No et moi, magnifique roman sur la rencontre et l’adolescence. Je me précipiterai sur ses autres romans dés que j’en aurai le temps !
L’histoire
Je ne dirai pas grand-chose sur l’intrigue car, finalement, l’intérêt est ailleurs. Les histoires contées par Delphine de Vigan sont toujours très simples et très actuelles. Mais elles puisent toute leur force, toute leur puissance d’évocation, dans cette simplicité apparente.
C’est donc l’histoire de Mathilde et Thibault. Elle est cadre dans une entreprise. Il est médecin. Ils ne se connaissent pas, mais le cheminement douloureux de leur vie les pousse l’un vers l’autre, dans la ville « cette superposition de mouvements. Ce territoire infini d’intersections, où l’on ne se rencontre pas ».
Mes impressions
Décidément, j’adore ! Les thèmes développés et le style avec lequel Delphine de Vigan les aborde, cette pudeur touchante qui se dégage des mots et qui frappe comme un coup de poing, cette virtuosité de la trame narrative, qui permet que toute la logique des événements se cristallise dans un dénouement attendu et inattendu à la fois, mais jamais décevant. Pour moi, Delphine de Vigan est une écrivaine majeure de ce début de XXIe siècle dont elle saisit, avec une écriture très pure, vraiment très belle, les dérives inquiétantes et la violence. Elle le fait avec d’autant plus d’émotion qu’elle s’inspire, semble-t-il, la plupart du temps, de sa propre vie. Cela donne des romans d’une force incroyable car, au-delà des situations, Delphine de Vigan évoque des sentiments universels : à chaque page, on se dit qu’on aurait pu dire, vivre, ressentir exactement la même chose que ses personnages …
Florilège
"Ou bien elle rencontrerait un homme, dans le wagon ou au Café de la Gare, un homme qui lui dirait madame vous ne pouvez pas continuer comme ça, donnez-moi la main, prenez mon bras, posez votre sac, ne restez pas debout, c’est fini, vous n’irez plus, ce n’est plus possible, vous allez vous battre, je serai à vos côtés. Un homme ou une femme, après tout, peu importe. Quelqu’un qui comprendrait qu’elle ne peut plus y aller, que chaque jour qui passe elle entame sa substance, elle entame l’essentiel." (4e de couverture)
"Combien de fois a-t-elle pensé qu'on pouvait mourir de quelque chose qui ressemble à ce qu'elle vit, mourir de devoir survivre dix heures par jour en milieu hostile." (page 48)
"Quel adulte devient-on d'avoir su si tôt que la vie peut basculer ? Quel genre de personne, armée de quoi, à quel point désarmée ?" (page 148)
"La ville est un mensonge assourdissant" (page 181)
"Il lui a semblé que cette femme et lui partageaient le même épuisement, une absence à soi-même qui projetaient le corps vers le sol." (page 299))