Portrait de René char
(Source de l'image : Wikipoèmes.com)
Aujourd'hui, je voulais partager un poème de René Char que je trouve magnifique. Il faut relire l'oeuvre de ce grand poète qui savait à merveille composer avec les mots une atmosphère onirique, d'une profonde pureté.
Le Poème pulvérisé, publié en 1947, est le premier recueil d'après-guerre de René Char. En 1948, il sera inséré dans Fureur et mystère, recueil qui regroupe des poèmes écrits depuis 1938.
De René Char, on peut lire aussi les Feuillets d'Hypnos, recueil composé en 1946, avant le Poème pulvérisé donc et dédié à son ami Albert Camus : les poèmes ou fragments poétiques, souvent sous la forme d'aphorismes ou de maximes voire de "simples" notes, évoquent les actions des Résistants.
Voici le poème, extrait du Poème pulvérisé, que j'ai relu avec bonheur aujourd'hui :
Marthe
Marthe que ces vieux murs ne peuvent pas s'approprier, fontaine où se mire ma monarchie solitaire, comment pourrais-je jamais vous oublier puisque je n'ai pas à me souvenir de vous : vous êtes le présent qui s'accumule. Nous nous unirons sans avoir à nous aborder, à nous prévoir comme deux pavots font en amour une anémone géante.
Je n'entrerai pas dans votre coeur pour limiter sa mémoire. Je ne retiendrai pas votre bouche pour l'empêcher de s'entrouvrir sur le bleu de l'air et la soif de partir. Je veux être pour vous la liberté et le vent de la vie qui passe le seuil de toujours avant que la nuit ne devienne introuvable.
René Char (1907-1988), Le Poème pulvérisé, 1947
Sur son exemplaire du Poème pulvérisé, René Char avait écrit de sa main ces quelques mots :
"Mon poème est mon voeu en révolte. Mon poème a la fermeté du désastre ;
mon poème est mon souffle futur."
Ce sont des mots qui m'ont d'abord étonnée par leur pessimisme car, pour ma part, je vois dans le souffle lyrique de ce poème une belle lumière et un vent d'espoir infini.
Et vous ?
Bon dimanche soir !
Heide