Le Masque de la Mort Rouge est une nouvelle fantastique d’inspiration gothique, écrite par l’auteur américain Edgar Allan Poe (1809 – 1849). Elle fait partie du recueil, publié en 1865, des Nouvelles Histoires extraordinaires, traduites en français par Charles Baudelaire. Mais dès 1842, la nouvelle avait été publiée dans une revue, le Graham's Lady's and Gentleman's Magazine.
« La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée. Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c’était le sang, la rougeur et la hideur du sang. C’étaient des douleurs aigues, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l’être. Des taches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l’humanité, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L’invasion, le résultat de la maladie, tout cela était l’affaire d’une demi-heure. » (Incipit)
L’incipit donne une idée de l’atmosphère de cette nouvelle redoutablement efficace. La fulgurance du fléau explique le repli du prince Prospero accompagné d’« un millier d’amis vigoureux et allègres de cœur […] dans une de ses abbayes fortifiées. » Dans cette « retraite profonde », Prospero et sa cour se pensent à l’abri. Au bout de cinq ou six mois, ils se livrent à une mascarade, un bal les réunissant déguisés et masqués dans sept somptueuses salles de l’abbaye. Cependant, la septième, « la chambre noire, la lumière du brasier qui ruisselait sur les tentures noires à travers les carreaux sanglants était épouvantablement sinistre, et donnait aux physionomies des imprudents qui y entraient un aspect tellement étrange, que bien peu de danseurs se sentaient le courage de mettre les pieds dans son enceinte magique. » Mauvais présage que cette « couleur intense de sang », de même que cette « gigantesque horloge d’ébène », dont le « tic-tac sourd, lourd, monotone » laisse penser que la Mort Rouge et les Ténèbres qui l’accompagnent ne sont peut-être pas si loin de cette « joyeuse et magnifique orgie »…
J'apprécie la lecture de cette nouvelle dont les descriptions donnent à voir avec précision l’organisation des lieux, les salles en enfilade, les attitudes des personnages. Leur anxiété est parfaitement perceptible lorsque sonne l’horloge d’ébène. Alors, « les rêves sont glacés, paralysés dans leurs postures. » Plus tard, leur effroi sera mortellement visible derrière les masques.
Dès le début de la nouvelle, l’harmonie apparente des lieux cache quelques détails, qui distillent progressivement l’angoisse et font pressentir le danger, jusqu’au dénouement apocalyptique. La symbolique de l’horloge nous invite à réfléchir au temps qui passe, à ce que nous en faisons et à l’inéluctable de notre condition, en espérant toutefois que notre fin sera plus paisible que celle imaginée par Edgar Allan Poe…
Cet article s’inscrit dans plusieurs challenges : le Challenge ludique de Calypso, « Un mot, des titres » pour lequel il était convenu de lire une œuvre dont le titre contiendrait le mot « Mort » ; le Challenge « Un classique par mois » chez Stephie.
Belle lecture !
Heide