C'est un coup de coeur que je vous présente aujourd'hui : Quand souffle le vent du nord est le premier "roman" de D. Glattauer traduit en français. L'auteur est par ailleurs chroniqueur politique et judiciaire pour un journal autrichien. Le succès du livre est amplement mérité et les critiques, particulièrement élogieuses, parlent par exemple d'"un des dialogues amoureux les plus anchanteurs et les plus intellignents de la littérature contemporaine" (Der Spiegel).
L'histoire
On dit souvent que " le hasard fait bien les choses". Voilà qui se vérifie ici ! L' histoire de Léo et Emmi commence de manière assez banale et aurait pu en rester là : la jeune femme croit envoyer un mail à la revue Like pour résilier son abonnement, mais elle se trompe en tapant l'adresse électronique. Le mail est reçu par un certain Léo Leike, qui répond pour signaler l'erreur. Les premiers échanges amusés et cordiaux, qui s'enchaînent avec esprit et vivacité, se transforment progressivement en une conversation amoureuse, savoureuse et sensuelle. Seulement, Emmi est mariée et Léo se remet tout juste d'une rupture. De quoi donner matière à réflexion quant à l'opportunité d'une rencontre ... Et puis se rencontrer, n'est-ce pas prendre le risque de la déception ? Léo écrit " Nous faisons route vers le désenchantement. Nous ne pouvons pas vivre ce que nous écrivons."
Mes impressions
Une relation virtuelle fondée sur le pouvoir d'évocation des mots peut-elle survivre à la confrontation au réel ? Faut-il prendre le risque de perdre à jamais l'image idéalisée de l'autre pour vivre une relation charnelle ? Et que dire de cette attirance désincarnée qui n'est peut-être qu'un mirage ?
Le risque de la rencontre, c'est bien sûr de mettre fin à la magie. Mais, en même temps, la caresse des mots échangés dans le désir grandissant de l'autre, hors du temps et du quotidien, peut-elle remplacer la présence physique de l'être qui nous attire ? Non sans doute. Pourtant, c'est si beau de rêver l'amour, d'en imaginer tous les possibles, avant qu'il ne prenne corps et se mette en danger. Dés lors, que choisir ? Faut-il considérer qu'il est suffisamment beau d'être "chacun la voix de l'imagination de l'autre " ?
Au fil de la correspondance entre Léo et Emma , toutes ces questions sont posées, avec beaucoup d'intellligence et de discernement, sans lourdeur ni mièvrerie, . En effet, l'auteur a su éviter les clichés et donner profondeur et finesse à ce dialogue moderne, emprunt de poésie et de tendresse.
Florilège
" Nous communiquons au milieu d'un désert [...] Il n'y a personne autour de nous. Nous n'habitons nulle part. Nous sommes sans âge. Nous sommes sans visage. Nous ne faisons pas la différence entre le jour et la nuit. Nous vivons hors du temps. Nous sommes retranchés derrière nos écrans, et nous avons un passe-temps commun : nous nous intéressons à un parfait inconnu. Bravo !" (p. 29)
" Chère Emmi, quand on reste en suspens pendant deux jours, comme moi à cause de vous en ce moment, on se sent assez pitoyable. Je vous invite donc poliment à me répondre. Ramenez-moi sur le sol avec rudesse, mais ne me laissez pas en l'air. Avec l'expression de ma considération distinguée. Votre Léo." (p. 224)
" Emmi, vous n'avez pas répondu à ma question. Me donneriez-vous rendez-vous (en auriez-vous envie ?) si votre mari était chez vous, dans la pièce voisine ? Et (question bonus) que lui diriez-vous ? Peut-être : "Dis-donc chéri, ce soir, j'ai rendez-vous avec un homme avec qui je corresponds depuis un an, en général plusieurs fois par jour, de "bonjour" à "bonne nuit". Souvent, il est le premier de la journée à entendre parler de moi. Souvent, il est le dernier à qui je parle avant d'aller me coucher. Et la nuit, quand je n'arrive pas à dormir, quand le vent du nord souffle, je ne viens pas te voir, chéri. Non, j'écris un mail à cet homme. Et il me répond. Dans ma tête, ce type est un merveilleux remède contre le vent du nord. Ce que nous nous écrivons ? Oh, rien que des choses personnelles, des choses sur nous, ce que nous ferions tous les deux si je ne vous avais pas, chéri, toi et les enfants. [...] " (page 256)
Un lien vers les blogs de Stephie et Pimprenelle qui nous donnent leur avis sur ce livre.
Bonne lecture !