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1 avril 2012 7 01 /04 /avril /2012 00:10

          Magritte.jpgCe dimanche poétique est l'occasion de poursuivre la présentation de l'oeuvre de Christian Bobin. Voici un florilège de citations dans lesquelles l'auteur évoque sa vérité. Touchante et troublante vérité que chacun pourra s'approprier ...

 

À quoi reconnaît-on ce que l'on aime. À cet accès soudain de calme, à ce coup porté au coeur et à l'hémorragie qui s'ensuit - une hémorragie de silence dans la parole. Ce que l'on aime n'a pas de nom. Cela s'approche de nous et pose sa main sur notre épaule avant que nous ayons trouvé un mot pour l'arrêter, pour le nommer, pour l'arrêter en le nommant. (Une petite robe de fête)    

       Magritte, L'Oiseau du ciel, 1965

 

Aimer quelqu'un, c'est le dépouiller de son âme, et c'est lui apprendre ainsi - dans ce rapt - combien son âme est grande, inépuisable et claire. Nous souffrons tous de cela : de ne pas être assez volés. Nous souffrons des forces qui sont en nous et que personne ne sait piller, pour nous les faire découvrir. (Lettres d'or)


Comment sortir de soi ? Parfois cette chose arrive, qui fait que nous ne sommes plus enfermés : un amour sans mesure. Un silence sans contraire. La contemplation d'un visage infini, fait de ciel et de terre. (Lettres d'or)


Le monde n'est si meurtrier que parce qu'il est aux mains de gens qui ont commencé par se tuer eux-mêmes, par étrangler en eux toute confiance instinctive, toute liberté donnée de soi à soi. Je suis toujours étonné de voir le peu de liberté que chacun s'autorise, cette manière de coller sa respiration à la vitre des conventions, et la buée que cela donne, l'empêchement de vivre, d'aimer. (La plus que vive)


Il nous faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu'un peu. Il nous faut naître par la chair et ensuite par l'âme. Les deux naissances sont comme un arrachement. La première jette le corps dans le monde, la seconde balance l'âme jusqu'au ciel. (La plus que vive)


Est beau tout ce qui s'éloigne de nous après nous avoir frôlés. Est beau le déséquilibre profond - le manque d'aplomb et de voix - que cause en nous ce léger heurt d'une aile blanche. La beauté est l'ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent, aggravant soudain la légèreté de vivre. (Le huitième jour de la semaine)


Il faut [...] vouloir ce que l'on aime, et il faut le vouloir d'une volonté profonde, pure de toute impatience, comme obscure à elle-même. (Le huitième jour de la semaine)


Les maisons sont comme les gens, elles ont leur âge, leurs fatigues, leurs folies. Ou plutôt non : ce sont les gens qui sont comme des maisons, avec leur cave, leur grenier, leurs murs et, parfois, de si claires fenêtres donnant sur de si beaux jardins.(Isabelle Bruges)


Ceux qui savent nous aimer nous accompagnent jusqu'au seuil de notre solitude puis restent là, sans faire un pas de plus. Ceux qui prétendent aller plus loin dans notre compagnie restent en fait bien plus en arrière. (L'éloignement du monde)


Légèreté de l'oiseau qui n'a pas besoin pour chanter de posséder la forêt, pas même un seul arbre. (L'éloignement du monde)


L'amour ne vient que par grâce et sans tenir aucun compte de ce que nous sommes.
(L'éloignement du monde)


Ce qui ne peut danser au bord des lèvres - s'en va hurler au fond de l'âme. (L'autre visage)


Ceux que j'aime, je ne leur demande que d'être libres de moi et ne jamais me rendre compte de ce qu'ils font ou de ce qu'ils ne font pas, et bien sûr, de ne jamais exiger une telle chose de moi. L'amour ne va qu'avec la liberté. La liberté ne va qu'avec l'amour.
(L'épuisement)


Dés que l'on est parfaitement seul, une autre solitude s'éveille en face, le lien se fait. (Autoportrait au radiateur)


 La vérité est ce qui brûle. La vérité est moins dans la parole que dans les yeux, les mains et le silence. La vérité, ce sont des yeux et des mains qui brûlent en silence.
(La présence pure)


L'amour est le miracle d'être un jour entendu jusque dans nos silences, et d'entendre en retour avec la même délicatesse : la vie à l'état pur, aussi fine que l'air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse.
(Ressusciter)


Intégral Christian Bobin : interview de 53 minutes dans laquelle l'écrivain analyse son rapport à la littérature et à la vie (émission du 27 janvier 2007 / You tube)

 


  
Jean -Sébastien Bach,  
Air on the G String
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31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 19:15

1505-16059L-arbre-de-vie-Affiches

Gustav Klimt, L'Arbre de vie, cycle d'or, 1905-1909


          On voit l'amour et la solitude : une seule chambre à vrai dire, un seul mot. De la solitude, nous ne viendrons pas plus à bout que de notre mort. C'est ce qui fait que l'on aime et que le temps se passe ainsi, dans l'attente lumineuse de ceux que l'on aime : car même quand ils sont là, on les espère encore. On touche leurs épaules, on lit dans leurs yeux, et la solitude n'est pas levée pour autant. Elle gagne en beauté, elle gagne en force, mais elle est toujours là. Ce qui a commencé avec nous - avec l'étoile de notre naissance - n'en finira jamais de nous isoler dans l'espace : chacun séparé de tous les autres. Chacun enclos dans son désir, dans son attente. Nous sommes seuls dans le jour. Nous avons besoin de quelqu'un qui nous conduise dans la pleine nuit du jour, comme on mène un enfant jusqu'aux rives étincelantes du sommeil. Nous sommes seuls dans le jour, mais nous serions incapables de découvrir cette solitude si quelqu'un ne nous en faisait l'offrande amoureuse. La révélant en pensant l'abolir. L'aggravant, en croyant la combler. Cette solitude est le plus beau présent que l'on puisse nous faire. Elle brûle dans le jour. Elle s'illumine de nos absences.

 

Christian Bobin, Lettres d'or, Fata Morgana, 1987

 

 

           Christian Bobin, un poète ? Il faut lire Souveraineté du vide et Lettres d'or pour saisir la pleine mesure de ses talents poétiques. Mais j'aime profondément tous ses textes pour leur étrange beauté, leur spiritualité, source d'apaisement ... Ils nous rappellent que vivre pleinement, c'est prendre le temps de la lenteur et de la méditation ...

S'absenter du monde et de soi-même pour y revenir plus fort, pour exister pleinement et être dans une présence aux autres plus lumineuse, plus vraie, plus belle. Apprivoiser le silence, "le pur silence, l'aliment naturel de l'âme autant que l'eau pour le nageur d'au-delà de l'horizon". Ne pas craindre "l'avancée en solitude", mais l'habiter pleinement car elle "ouvre la seule voie d'accès aux autres, à cette altérité qui est en nous et qui est dans les autres comme l'ombre portée d'un astre, solaire, bienveillant" (Souveraineté du vide). Saisir l'instant ... Nous tendons tous vers cet "'instinct du temps" grâce auquel nous serons capables d'entendre, dans un fragment de silence, le bruissement de toute vie, de tout amour ...

Les textes de Christian Bobin sont des méditations poétiques :  la douceur des images invite au lâcher-prise. C'est une écriture nourricière et vivante, une écriture qui respire ... Célébration de l'attente, "sans impatience de sa fin".

 

Heide

 

Liszt, Liebsträume,
n° 3 en La bémol majeur
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30 mars 2012 5 30 /03 /mars /2012 17:00

jardin_majorelle.-crepusculejpg-copie-2.jpg

Le jardin Majorelle au coucher du soleil (site)

  

Le soir

Heure incertaine, heure charmante et triste : les roses
Ont un sourire si grave et nous disent des choses
Si tendres que nos cœurs en sont tout embaumés ;
Le jour est pâle ainsi qu'une femme oubliée,
La nuit a la douceur des amours qui commencent,
L'air est rempli de songes et de métamorphoses ;
Couchée dans l'herbe pure des divines prairies,
Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis,
La vie offre ses lèvres aux baisers du silence.

Heure incertaine, heure charmante et triste : des voiles
Se promènent à travers les naissantes étoiles
Et leurs ailes se gonflent, amoureuses et timides,
Sous le vent qui les porte aux rives d'Atlantide ;
Une lueur d'amour s'allume comme un adieu
À la croix des clochers qui semblent tout en feu
Et à la cime hautaine et frêle des peupliers :
Le jour est pâle ainsi qu'une femme oubliée
Qui peigne à la fenêtre lentement ses cheveux.

Heure incertaine, heure charmante et triste : les heures
Meurent quand ton parfum, fraîche et dernière fleur,
Épanche sur le monde sa candeur et sa grâce :
La lumière se trouble et s'enfuit dans l'espace,
Un frisson lent descend dans la chair de la terre,
Les arbres sont pareils à des anges en prière.
Oh ! Reste, heure dernière ! Restez, fleurs de la vie !
Ouvrez vos beaux yeux bleus déjà presque endormis...

Heure incertaine, heure charmante et triste : les femmes
Laissent dans leurs regards voir un peu de leur âme ;
Le soir a la douceur des amours qui commencent.
Ô profondes amours, blanches filles de l'absence,
Aimez l'heure dont l'oeil est grave et dont la main
Est pleine des parfums qu'on sentira demain ;
Aimez l'heure incertaine où la mort se promène,
Où la vie, fatiguée d'une journée humaine,
Entend chanter enfin, tout au fond du silence,
L'heure des songes légers, l'heure des indolences !


Rémy de Gourmont (1858-1915), Divertissements, Poèmes en vers, Crès, 1912

Ecrivain français, proche des symbolistes.

van gogh crépuscule-copie-1 Vincent van Gogh (1853-1890),

La Nuit étoilée,  Huile sur toile, 1889

 

 

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 10:10

 


 

En pensant à une fleur,

Souvent on la fait naître.

Miguel Zamacoïs

 

Bon anniversaire petite Fleur, mon "vivant poème" !

 

Vivant poème

Va ce monde je te le donne
Va jamais n'abandonne.
C'est vrai qu'il n'est pas à l'image
Des rêves d'un enfant de ton âge
Je sais
Le monde a des accents
Souvent il nous montre les dents
Mais je l'aime comme je t'aime
Et je voudrais tant que tu l’aimes

Je voudrais tant
Tu en es le vivant poème
Pars, le monde est un espoir
L'espoir jamais ne l'abandonne
Oui le monde est notre histoire
De matins clairs et de nuits noires
Je sais
Je sais que le monde a des armes
Le monde parfois nous désarme
Mais il t'aimera comme tu l'aimes
Il t'aimera
La vie est un poème
Que tu vas écrire toi-même
Pars, ce monde va le voir
Jamais ne perds l'espoir
Va, dans ce monde va te voir
Traverse les miroirs
Je sais
Je sais que le monde a des dents
Comme nous  le monde se défend
Mais il t'aimera comme tu l'aimes

Et je voudrais tant que tu l’aimes
La vie est un long je t'aime
Un long je t'aime
Pars, ce monde va le voir
Traverse les miroirs
Et jamais jamais n'abandonne
Va va

La vie est un long je t’aime

Que tu vas écrire toi-même

Va et jamais jamais n’abandonne

 

Va va
Va traverse les miroirs
Où se reflète ton regard
Tu es un vivant poème
La vie est un long je t'aime
Dont tu es le vivant poème
Le vivant poème
Le vivant poème
Mon vivant poème

 

Album « Barbara », 1996

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28 mars 2012 3 28 /03 /mars /2012 18:00

Gustav Klimt, "Danaé", 1907-1908,

Huile sur toile (site Le monde des arts)

Saisir l'instantKlimt10-copie-1.jpg

 

Saisir l'instant tel une fleur

Qu'on insère entre deux feuillets

Et rien n'existe avant après

Dans la suite infinie des heures.

Saisir l'instant.

 

Saisir l'instant. S'y réfugier.

Et s'en repaître. En rêver.

A cette épave s'accrocher.                                 

Le mettre à l'éternel présent.

Saisir l'instant.

 

Saisir l'instant. Construire un monde.

Se répéter que lui seul compte

Et que le reste est complément.

S'en nourrir inlassablement.

Saisir l'instant.

 

Saisir l'instant tel un bouquet.

Et de sa fraîcheur s'imprégner.

Et de ses couleurs se gaver.

Ah ! Combien riche alors j'étais !

Saisir l'instant.

                                                                                                          Esther Granek (poète belge et israelienne)

Saisir l'instant à peine néEsther-Granek-copie-3.jpg

Et le bercer comme un enfant

A quel moment ai-je cessé ? 

Pourquoi ne puis-je ... ?

 

 

 

Esther Granek, Je cours après mon ombre ...,


coll. La poésie la vie,

Edition Saint-Germain-des prés, 1981

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27 mars 2012 2 27 /03 /mars /2012 13:25

Entre deux chroniques de mes lectures, chaque jour (ou presque), un poème qui me ressemble, qui me rassemble, à partager en musique .... Comme un rayon de Lune-rose pour "recoudre, astre à astre, la nuit" ...


Auguste-Rodin-Les-Mains-D-Amants-copie-1.jpg

                          Auguste Rodin, Les Mains d'amants, Musée Rodin, Paris

 

Les Mains d'Elsa

Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi tes mains que je sois sauvé

Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes mains à moi

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tresailli

Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu

Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.

                              
Louis Aragon, "Les mains d'Elsa", Le Fou d'Elsa, Gallimard

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25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 14:46

jaccottetNB.jpg

Une merveilleuse découverte, toute récente, Philippe Jaccottet dont le recueil A la lumière d'hiver est au programme de Terminale L.

 

J'ai relevé les yeux.

 

Derrière la fenêtre,

au fond du jour,

des images quand même passent.

 

Navettes ou anges de l'être,

elles réparent l'espace.

 

                            Phillipe Jaccottet, recueil A la lumière d'hiver, "Leçons", 1977

 

 

J'ai relu également Capitale de la douleur et l'Amour la poésie de Paul Eluard :

       

Elle se penche sur moiamourpoesieeluard.jpg

Le coeur ignorant

Pour voir si je l'aime

Elle a confiance elle oublie

Sous les nuages de ses paupières

Sa tête s'endort dans mes mains

Où sommes-nous

Ensemble inséparables

Vivants vivants

Vivant vivante

Et ma tête roule en ses rêves.

 

                      Paul Eluard, L'Amour la poésie, XV, 1929

 

 

 

Retour à Philippe Jaccottet pour finir avec Pensées sous les nuages, qui suit A la lumière d'hiver dans l'édition Poésie/Gallimard :

 

Mais chaque jour, peut-être, on peut reprendre

le filet déchiré, maille après maille,

et ce serait, dans l'espace plus haut,

comme recoudre, astre à astre, la nuit ...

 

 

 

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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 11:37

            Mais-le-fleuve-tuera-l-homme-blanc.jpg   Ce roman de Patrick Besson, était dans ma LAL depuis sa sortie, en 2009, chez Fayard et j'avais écouté, avec grand intérêt, Patrick Bunel en faire un vibrant éloge dans son émission La Grande librairie.

 

           L'histoire :

 

         Christophe, jeune cadre dans une compagnie pétrolière et passionné d'espionnage, entreprend de suivre Blandine de Kergalec, ancienne espionne au service de la DGSE. Cela se passe au Congo, à Brazzaville avec en toile de fond, comme une blessure lancinante, le génocide rwandais.


          Je vous livre la quatrième de couverture car, je vous l'avoue, il m'est difficile de résumer ce roman tant j'ai trouvé l'intrigue complexe :

"A bord de l'avion Paris-Brazzaville, Christophe, cadre dans une grande compagnie pétrolière, reconnaît une passagère : Blandine de Kergalec, officier de la DGSE, ayant quitté le service Action deux décennies plus tôt après un scandale. Passionné d'espionnage, Christophe la suit dans la capitale congolaise. Il surprend sa rencontre, dans un dancing au bord du fleuve, avec un militaire rwandais. Le jeune homme se trouve alors impliqué dans un réglement de comptes brutal, à multiples facettes. Par un jeu troublant de flash-backs et de points de vue alternés, l'auteur piège son lecteur dans un labyrinthe qu'il ne sera pas prêt d'oublier."

 

                Mes impressions :

 

              Autant le dire tout de suite, j'ai flanché à la page 349 (sur 484). Voilà ! Le règlement de comptes ? Je ne sais pas, il s'agit sans doute du dénouement car j'ai abandonné avant qu'il en soit vraiment question ...  Je me suis dit que ce n'était peut-être pas le bon moment, comme ça arrive parfois quand un roman ne correspond pas à votre humeur du moment ... Mais non, c'est plus qu'un rendez-vous manqué : l'intrigue, les personnages, tout a glissé sur moi sans me toucher. Effectivement, le roman foisonne de personnages et le même moment est abordé plusieurs fois sous des angles différents. Le lecteur prend connaissance des événements et l'action progresse en suivant cette alternance de points de vue. Alors, il est vrai que ce roman est prodigieusement bien structuré, c'est même peut-être "l'oeuvre la plus accomplie" de Patrick Besson, comme le dit son éditeur. Mais, pour moi, ce travail de construction est le défaut majeur du livre parce que cela complique considérablement la lecture et déshumanise les personnages, d'une certaine façon.  Sans compter que j'ai dû revenir en arrière plusieurs fois pour retrouver l'identité de certains, leur rôle dans l'action...  En tant que lectrice, je n'ai jamais vu en eux que des êtres de papier et , à aucun moment, ils n'ont pris l'épaisseur des figures "du romanesque intense" qui semblent se hisser hors du livre et s'asseoir à côté de vous sur le canapé.  

Un ou deux passages m'ont tout de même profondément touchée, notamment lorsqu'il est question du récit du génocide rwandais et du destin de Tessy, violée treize fois à treize ans et sauvée d'une mort certaine "grâce à la brillante idée qu'elle [a] eu de transporter sa mère décapitée dans une brouette" ...

Et puis, la réflexion autour de la situation géopolitique et du rôle de l'"Or noir", convoité par le monde occidental, est approfondie et éclairante pour qui s'y connaît un peu. En revanche, moi qui ne connais l'Afrique que par le prisme des journaux occidentaux, je n'y ai pas entendu grand chose ...


Suite au commentaire de Tatiana, je corrige mon erreur initiale : honte à moi qui ai confondu Patrick et Philippe (il est vrai que je n'avais jamais vu de photographie de Philippe Besson !) Je maintiens mon conseil de lecture pour En l'absence des hommes - un immense coup de coeur - ou Se résoudre aux adieux de Philippe Besson et je comprends mieux ma surprise finalement ... Si tu repasses par là, merci Tatiana !


            Un extrait :

 

"Le samedi 19 décembre 1998, ayant traversé Brazza du sud-ouest au nord-est pendant les rares moments où les Ninjas de Ntumi et les Cobras de Sassou ne se tiraient pas dessus, Tessy atteignit Moukondo. Elle poussait devant elle une brouette dans laquelle se trouvait le cadavre de sa mère, moins la tête. Les Ninjas et les Cobras encore vivants, aujourd'hui militaires réguliers ou employés d'administrations en sureffectifs, se souviennent de cette adolescente qui, lorsqu'on lui demandait quelque chose, se contentait de soulever la couverture qui recouvrait le corps incomplet de Scholastique Estio. Et de dire : "Mama na ngaï". Ma mère. Littéralement : la mère à moi. On la laissait passer. Tata-mwassi Elisabeth me décrivit alors Tessy telle qu'elle la vit ce jour-là : durcie par son malheur, on l'eût dit de pierre. Du sang avait séché sur ses cuisses. Ses cheveux trempés de sueur étaient aplatis sur son crâne. Sa robe était déchirée en plusieurs endroits. Elle était pieds nus." (page 53)

 

Et un très beau poème de Bigaro Diop, "best-seller des enterrements subsahariens francophones" (page 42) :

 

Souffles

 

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis,

ils sont dans le sein de la femme,

ils sont dans l'enfant qui vagit

et dans le tison qui s'enflamme.

Les morts ne sont pas sous la terre,

ils sont dans le feu qui s'éteint,

ils sont dans les herbes qui pleurent,

ils sont dans le rocher qui geint,

ils sont dans la forêt,

ils sont dans la demeure : les morts ne sont pas morts. [...]

 

                                      Bigaro Diop (cité dans Mais le fleuve tuera l'homme blanc)

 


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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 12:01

solidarite-humaine.jpg

 

Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée.

Donnons-leur afin qu’ils en jouent comme d’un ballon multicolore,

Pour qu’ils jouent en chantant parmi les étoiles.

Offrons le globe aux enfants,

Donnons-leur comme une pomme énorme,

Comme une boule de pain tout chaude,

Qu’une journée au moins ils puissent manger à leur faim.

Offrons le globe aux enfants,

Qu’une journée au moins le globe apprenne la camaraderie,

Les enfants prendront de nos mains le globe

Ils y planteront des arbres immortels.

                 

Nazim Hikmet (1901-1963)



Quelle est cette société qui produit des ogres ? 

Pour que la chaleur des mots et de la poésie apaise un peu "la peine qui ravine" et "le froid qui gagne" (Jaccottet) ...

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 09:33

       Il s'appelait le soldat inconnuCe court roman de 140 pages, accessible aux jeunes lecteurs à partir de 10 ans, selon l'éditeur Gallimard jeunesse, propose la biographie romancée du soldat inconnu.


           L'histoire

      

         Le récit s'ouvre sur la naissance de François, "quelque part en France", le 5 avril 1896. L'enfant grandit auprès de ses parents et grands-parents, dans une famille élargie très unie telle qu'il en existait fréquemment à l'époque. On le suit dans ses premières bagarres d'écolier - Branquignoles contre Pieds Nickelés. On découvre un petit garçon sensible et malin qui invente un joli stratagème pour séduire Lucie, la fille de l'instituteur. Sa vie durant, il ne cessera de l'aimer ...

François grandit et s'épanouit.

Puis tout bascule avec la déclaration de guerre ...


        Mes impressions


        J'ai vraiment apprécié ce livre qui est bien écrit et bien documenté quant à la Première guerre mondiale. J'ai trouvé les personnages attachants et émouvants, leurs motivations et leurs choix sont finement analysés dans un beau style tout simple, puisque le livre est destiné aux enfants. Les pages consacrées à la guerre elle-même sont poignantes, en particulier celles qui nous plongent dans la guerre des tranchées. Mais les descriptions des blessures et des morts restent très sobres afin de ménager les âmes encore sensibles des plus jeunes. D'ailleurs, cette manière d'exposer la vérité historique avec force mais pudeur, de raconter l'horreur de la guerre sans image inutilement violente mais en défendant des valeurs universelles font d'Arthur Ténor, pour moi et de nombreux lecteurs, un écrivain pour la jeunesse vraiment incontournable.


       LA_CHAMBRE_DES_OFFICIERS.JPG Pour les professeurs qui passeraient par là, Il était une fois ... le soldat inconnu peut être lu sans inconvénient jusqu'en 3e, en lecture-plaisir. Je pense même qu'il est plus adapté à cet âge que La Chambre des officiers de Marc Dugain, par exemple, même si, en tant qu'adulte, j'ai préféré ce dernier à plus d'un titre. Pourquoi ?

Le roman d'Arthur Ténor nous raconte la vie quotidienne dans les campagnes françaises, avant la guerre, puis nous livre un récit concret de ce qu'ont vécu les Poilus sur le champ de bataille.

La Chambre des officiers est le récit d'une introspection : dés le chapitre 2, la guerre est évacuée du roman et le récit se concentre sur les souffrances d'Adrien, blessé au visage par un éclat d'obus. La première émotion passée, il faut être adulte pour comprendre les états d'âme de ces "Gueules cassées", pour avoir envie de suivre les différentes étapes de la reconstruction et pour s'intéresser à leur vie quotidienne durant leur longue hospitalisation. A 14 ans, on peut rester en marge de l'histoire ... joueurs_de_cartes_Otto_Dix.jpg


        La littérature de jeunesse est souvent dénigrée alors qu'elle a de nombreuses qualités : la première est d'être adaptée aux capacités de lecture et à la psychologie des enfants et des adolescents, ce qui leur donne accès à de nombreux sujets. De ce point de vue, Arthur Ténor a parfaitement relevé le défi !

 

 

 

Bonne lecture !

 

 

                                                Otto Dix, Les Joueurs de cartes

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Présentation

  • : Le blog de Heide
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A lire absolument ! Efflorescences IsmaëlBilly

  Toutes les critiques parues sur Efflorescences d'Ismaël Billy

sont recensées sur la page web de l'écrivain. (ICI)

 

 
 


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Mon rendez-vous philo

chouette-300x211 

Pour en savoir plus sur le rendez-vous hebdomadaire et la lecture thématique mensuelle, c'est ICI.
La communauté "Les Lundis philo"est créée, n'hésitez pas à vous y inscrire !

 

10e rendez-vous thématique :

Lundi 12 août 2013 (date décalée)

Thème : le temps

Anis ?

Coccinelle

Denis

Lee Rony

Sophie ?

Heide

 

9e rendez-vous thématique :

Lundi 1er juillet 2013

Thème : le philosophe Albert Camus 

Coccinelle (alias Catherine) : Albert Camus

Denis : L'Ordre libertaire. La Vie philosophique d'Albert Camus de Michel Onfray

Lee Rony : L'Ordre libertaire. La Vie philosophique d'Albert Camus de Michel Onfray

Heide : L'Ordre libertaire. La Vie philosophique d'Albert Camus de Michel Onfray

 

8e rendez-vous thématique :

Lundi 3 juin 2013

Thème : Au bout du monde 

Deux approches : le voyage

et/ou

Philosophes/Philosophie du bout du monde (Asie, Moyen-Orient, Amérique latine, Australie...)

Anis : Les femmes, la philosophie et le voyage

Catherine : Au bout du monde avec l'idée de Dieu dans la philosophie religieuse de la Chine (Léon de Rosny)

Denis : Montesquieu, Voyages, Arléa

Lee Rony : Au bout du monde

Heide : Montaigne et le voyage

 

7e rendez-vous thématique :

Lundi 6 mai 2013

Thème : Littérature et philosophie

(Lecture commune récréative : Martin et Hannah de Catherine Clément)

Catherine lance deux débats passionnants pour dépasser le clivage entre littérature et philosophie.

Denis sur  Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder. A consulter aussi Hannah Arendt et Martin Heidegger de Elzbieta Ettinger (essai) : ici.

Lee Rony

Sophie sur Voltaire

Heide sur Martin et Hannah de Catherine Clément

 

6e rendez-vous thématique :

Lundi 1er avril 2013

Thème : La philosophie et le rire 

Catherine : Qui a écrit "Le rire est le propre de l'homme ?"

Denis  : autour d'une citation sur le rire philosophique. Candide de Voltaire (en attendant Bergson)

              Le Rire de Bergson

Lee Rony : Historique de la notion, façon Lee Rony.

Heide : Bergson, Le Rire, Essai sur la signification du comique

 

5e rendez-vous thématique :

Lundi 4 mars 2013

Thème : Femmes philosophes

Catherine : Cléobouline, l'une des premières femmes philosophes (Grèce antique)

Denis : Simone Weil, femme philosophe (1ère partie : sa vie et son oeuvre)

2e partie : La Pesanteur et la grâce (ICI)

Lee Rony signe un poème satirique "Femmes philosophes"

Heide : Hannah Arendt et la crise de la culture (1ère partie : présentation)

 

4e rendez-vous thématique :

Lundi 4 février 2013

Thème : Freud et la psychanalyse

Catherine : points communs et différences entre psychanalyse et philosophie

Denis : Le Malaise dans la culture de Sigmund Freud

Lee Rony  bientôt sur le divan avec cette lettre de son médecin traitant... Excellent ! 

Heide  : le fonctionnement de l'appareil psychique et L'Avenir d'une illusion


  3e rendez-vous thématique :

Lundi 7 janvier 2013

Thème : l'art, la beauté dans l'art

Catherine sur une citation de Platon

Denis sur Kandinsky, Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier

Lee Rony sur la question du point de vue, les rapports entre la distorsion des perceptions et la beauté artistique.

Heide sur un texte de Soseki Natsume, extrait d'Oreiller d'herbes, 1906


2e rendez-vous thématique :

Lundi 3 décembre 2012

Thème : la sagesse

Catherine : Oh non George ! Un album de Chris Haughton

Denis : ABC d'une sagesse par Svami Prajnanpad

Lee Rony : "Poésie lexicale"

Heide : Mathieu Ricard, Plaidoyer pour le bonheur

 

1er rendez-vous thématique :

Lundi 5 novembre 2012

Thème : le bonheur

Catherine : Le bonheur

Denis : Bruno Fabre, La Pyramide du bonheur

Lee Rony : Le bonheur

Heide : Le bonheur selon Marc-Aurèle

 

Challenge Marguerite Duras

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